Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/378

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que nous avons dit, chap. IV. N’avons-nous pas montré que tous les décrets de Dieu sont de leur nature éternellement vrais et éternellement nécessaires, et qu’on ne peut concevoir Dieu comme un roi ou un législateur dictant des lois aux hommes ? Par conséquent, ni les divins enseignements de la lumière naturelle, ni les révélations des prophètes ne peuvent recevoir immédiatement de la Divinité force de loi, et ils ne l’acquièrent que par la volonté directe, ou par l’intermédiaire de ceux auxquels appartient le droit de donner des ordres et de porter des décrets. De sorte que, sans leur intermédiaire, nous ne pouvons concevoir que Dieu règne sur les hommes et gouverne les choses humaines d’après les lois de la justice et de l’équité ; ce qui est d’ailleurs confirmé par l’expérience. Nous ne voyons en effet de traces de la justice divine que là où les justes commandent ; partout ailleurs (pour répéter les paroles de Salomon), nous voyons l’homme juste et l’homme injuste, l’homme pur et l’homme impur traités de la même manière par la fortune ; et c’est ce qui a fait que plusieurs, pensant que Dieu règne immédiatement sur les hommes et fait servir la nature tout entière à leur usage, se sont pris à douter de la divine providence. — Maintenant qu’il est prouvé par l’expérience et la raison que le droit divin dépend du décret de ceux qui commandent, ne s’ensuit-il pas que ceux qui commandent en sont encore les interprètes ? De quelle manière ? c’est ce que nous allons voir. Montrons que le culte extérieur de la religion et tout l’exercice de la piété doivent être d’accord avec la tranquillité et la conservation de l’État pour être vraiment conformes à la volonté de Dieu. Cela établi, on comprendra facilement de quelle manière le souverain doit être l’interprète de la religion et de la piété.

Il est hors de doute que la piété envers la patrie est le plus haut degré de piété auquel l’homme puisse atteindre. En effet, le gouvernement renversé, c’en est fait de toute justice et de tout bien ; tout est compromis ; la