Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/385

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sécurité de l’État, ou l’intérêt de la religion, nous sommes également obligés d’établir que le droit divin, en d’autres termes le droit relatif aux choses sacrées, dépend absolument des décrets du souverain, et qu’à lui seul il appartient de l’interpréter et de le faire respecter. D’où il suit que ceux-là seuls sont les ministres de la parole de Dieu, qui, soumis à l’autorité souveraine, enseignent au peuple la religion de l’État, appropriée par le souverain à l’utilité publique.

Reste encore à indiquer pourquoi, dans les États chrétiens, ce droit du souverain a toujours été un objet de discussion, tandis que les Hébreux n’ont jamais, que je sache, élevé de question sur ce point. On pourrait considérer comme une sorte de prodige qu’une chose si claire, si nécessaire, ait toujours été controversée, et que nulle part le souverain n’ait possédé ce droit sans opposition, je dis plus, sans courir le risque d’une révolte et sans causer un grand dommage à la religion. Assurément, s’il m’était impossible d’assigner une cause à ce phénomène, je ne ferais pas difficulté de croire que toutes les vues exposées dans ce chapitre ne sont que théoriques, et appartiennent à ce genre de spéculations qui n’ont aucune application possible. Mais il suffit de considérer l’origine de la religion chrétienne pour voir apparaître manifestement la cause que nous cherchons. Ce ne furent pas, en effet, des rois qui enseignèrent les premiers la religion chrétienne, mais bien de simples particuliers, qui, contre la volonté de ceux qui avaient le pouvoir en main et dont ils étaient les sujets, prirent l’habitude de haranguer le peuple dans des églises particulières, d’instituer les cérémonies sacrées, d’administrer, d’ordonner, de régler ce qui concernait le culte, et tout cela à eux seuls et sans tenir compte du gouvernement. Et lorsque après une longue suite d’années la religion s’introduisit au sein du gouvernement, les gens d’Église durent enseigner aux empereurs eux-mêmes une religion constituée par eux, et se firent facilement reconnaître pour doc-