Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/386

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teurs et interprètes de la religion, pasteurs de l’Église, vicaires de Dieu sur la terre. De plus, pour empêcher les rois chrétiens de s’emparer de cette autorité, les prêtres, dans leur prévoyance, défendirent le mariage aux ministres suprêmes de l’Église et au souverain interprète de la religion. Ajoutez à cela qu’ils augmentèrent si fort le nombre des dogmes de la religion et les confondirent si bien avec la philosophie que le souverain interprète de la religion dut être grand philosophe, grand théologien, occupé de mille spéculations stériles, toutes choses qui ne sont possibles qu’à de simples particuliers disposant de nombreux loisirs. Or les choses se passèrent bien différemment chez les Hébreux : l’Église et le gouvernement n’eurent qu’une seule et même origine, et ce fut Moïse, chef suprême de l’État, qui enseigna au peuple la religion, institua le culte, en choisit les ministres. D’où il résulta, à la différence des États chrétiens, que l’autorité royale fut presque absolue sur le peuple, et que le droit relatif aux choses sacrées appartint presque absolument aux rois. Car, bien qu’après la mort de Moïse personne n’ait possédé dans l’État un pouvoir absolu, toutefois le droit de porter des décrets relativement aux choses sacrées, comme à tout le reste, appartenait (ainsi que nous l’avons montré) au chef de l’État. Ensuite le peuple n’était pas obligé d’aller s’instruire de la religion et des pratiques de la piété plutôt auprès du pontife qu’auprès du juge suprême (voyez Deutéronome, chap. XVII, vers. 9, 11). Enfin, quoique les rois n’eussent pas hérité des droits de Moïse dans toute leur étendue, c’était cependant de leurs décrets que dépendaient toute l’ordonnance du ministère sacré et l’élection des ministres. David ne traça-t-il pas lui-même le plan du temple (voyez Paralipomènes, liv. I, chap. XXVIII, vers. 11, 12, etc.) ? Parmi les Lévites, n’en choisit-il pas vingt-quatre mille pour les chants sacrés, six mille entre lesquels devaient être pris les juges et les préteurs, quatre mille pour veiller aux portes,