Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/411

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raison qui rend les hommes inexcusables, ce n’est pas qu’ils aient été avertis d’avance, mais c’est qu’ils sont dans la puissance de Dieu comme l’argile entre les mains du potier, qui tire de la même matière des vases destinés à un noble usage, et d’autres à un usage vulgaire.

Pour ce qui est de la loi divine naturelle, dont la substance est, selon moi, qu’il faut aimer Dieu, je lui ai donné le nom de loi, dans le même sens où les philosophes appellent de ce nom les règles universelles selon lesquelles toutes choses se produisent dans la nature. L’amour de Dieu, en effet, ce n’est pas l’obéissance c’est une vertu que possède nécessairement tout homme qui connaît Dieu. Or l’obéissance, a rapport à la volonté de celui qui commande, et non pas à la nécessité et à la vérité des choses. Or, comme, d’une part, nous ne connaissons pas la nature de la volonté’de Dieu, et que, de l’autre, nous sommes certains que tout ce qui arrive arrive par la seule puissance de Dieu, il s’ensuit que la révélation seule peut nous dire si Dieu entend recevoir certains honneurs de la part des hommes à titre de souverain.

Ajoutez à cela que nous avons démontré que les ordres divins nous apparaissent sous le caractère d’un droit et d’une institution positive tant que nous en ignorons la cause ; mais aussitôt que nous la connaissons, ces ordres, ce droit deviennent pour nous des vérités éternelles, et l’obéissance devient l’amour de Dieu amour qui découla de la vraie, connaissance de Dieu aussi nécessairement que la lumière émane du soleil. La raison nous apprend donc aimer Dieu, elle ne peut nous apprendre à lui obéir ; puisque, d’un côté, nous ne pouvons comprendre les commandements de Dieu comme divins tant que nous eu ignorons la cause, et que, de l’autre, la raison est incapable de nous faire concevoir Dieu comme un prince qui établit des lois.


CHAPITRE XVII.


Note XXXI (page 288 de la traduction). — Si les hommes pouvaient perdre leurs droits naturels au point d’être désormais dans une impuissance absolue de s’opposer a la volonté du souverain.

Deux simples soldats entreprirent de changer la face de l’empire romain, et ils la changèrent en effet (voyez Tacite, Histoires, 11).


Note XXXII (page 276 de la. traduction). – Voyez les Nombres, chap. xi, vers. 28.

Il est dit dans ce passage que deux hommes, s’étant mis à prophétiser dans le camp, Josué proposa de les arrêter. Or, il n’eût point agi de la sorte, si tout Hébreu avait eu le droit de transmettre au peuple