Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/480

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encore aboutir aux mêmes conséquences en nous appuyant sur ce principe que le glaive du Roi ou son droit n’est en réalité que la volonté de la multitude ou du moins de la partie la plus forte de la multitude, ou sur cet autre principe que des hommes doués de raison ne renoncent jamais à leur droit au point de perdre le caractère d’hommes et d’être traités comme des troupeaux. Mais il est inutile d’insister plus longtemps.

26. Quant à la religion ou au droit de rendre un culte à Dieu, personne ne peut le transférer à autrui. Mais nous avons discuté cette question dans les deux derniers chapitres de notre Traité théologico-politique, et il est superflu d’y revenir. Je crois, dans les pages qui précèdent, avoir démontré assez clairement, quoiqu’en peu de mots, les conditions fondamentales du meilleur gouvernement monarchique. Et quiconque voudra les embrasser d’un seul coup d’œil avec attention, reconnaîtra qu’elles forment un étroit enchaînement et constituent un État parfaitement homogène. Il me reste seulement à avertir que j’ai eu constamment dans la pensée un gouvernement monarchique institué par une multitude libre, la seule à qui de telles institutions puissent servir. Car une multitude accoutumée à une autre forme de gouvernement ne pourra pas, sans un grand péril, briser les fondements établis et changer toute la structure de l’État.

27. Ces vues seront peut-être accueillies avec un sourire de dédain par ceux qui restreignent à la plèbe les vices qui se rencontrent chez tous les hommes. On m’opposera ces adages anciens : que le vulgaire est incapable de modération, qu’il devient terrible dès qu’il cesse de craindre, que la plèbe ne sait que servir avec bassesse ou dominer avec insolence, qu’elle est étrangère à la vérité, qu’elle manque de jugement, etc. Je réponds que tous les hommes ont une seule et même nature. Ce qui nous trompe à ce sujet, c’est la puissance et le degré de culture. Aussi arrive-t-il que lorsque deux individus font la même action, nous disons souvent : il est permis à celui-ci et défendu à