Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/485

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égale pour le Roi et pour ses sujets, de telle sorte que ni le Roi ne fût prépondérant par rapport aux sujets, ni les sujets par rapport au Roi ; car si l’une de ces deux parties de l’État devient plus puissante, la plus faible ne manquera pas non-seulement de faire effort pour recouvrer l’ancienne égalité, mais encore, par ressentiment du dommage subi, de se retourner contre l’autre, d’où résultera la ruine de l’une ou de l’autre, et peut-être celle de toutes les deux. Sages paroles, et dont je ne pourrais m’étonner assez, si elles avaient été prononcées par un roi accoutumé à commander à des esclaves et non pas à des hommes libres. Après Ferdinand, les Aragonais conservèrent leur liberté, non plus, il est vrai, en vertu du droit, mais par le bon plaisir de rois plus puissants, jusqu’à Philippe II qui les opprima non moins cruellement et avec plus de succès que les Provinces-Unies. Et bien qu’il semble que Philippe III ait rétabli toutes choses dans leur premier état, la vérité est que les Aragonais, le plus grand nombre par complaisance pour le pouvoir (car, comme dit le proverbe, c’est une folie de ruer contre l’éperon), les autres par crainte, ne conservèrent plus de la liberté que des mots spécieux et de vains usages.

31. Concluons que la multitude peut garder sous un roi une liberté assez large, pourvu qu’elle fasse en sorte que la puissance du roi soit déterminée par la seule puissance de la multitude et maintenue à l’aide de la multitude elle-même. Ç’a été là l’unique règle que j’ai suivie en établissant les conditions fondamentales du gouvernement monarchique.


CHAPITRE VIII. DE L’ ARISTOCRATIE.


1. Je n’ai encore parlé que de la monarchie, Maintenant, comment faut-il organiser le gouvernement aristo-