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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/79

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PRÉFACE.

miracles dont parle l’Écriture qui ne soit d’accord avec la raison ou qui y répugne, voyant d’ailleurs que les prophètes n’ont rien raconté que des choses très-simples dont chacun peut facilement se rendre compte, qu’ils les ont seulement expliquées par certains motifs, et embellies par leur style de façon à tourner l’esprit de la multitude à la dévotion, je suis arrivé à cette conclusion que l’Écriture laisse la raison absolument libre, qu’elle n’a rien de commun avec la philosophie, et que l’une et l’autre doivent se soutenir par les moyens qui leur sont propres. Pour démontrer ce principe d’une façon irrécusable et résoudre à fond la question, je fais voir comment il faut interpréter l’Écriture, et que toute la connaissance qu’elle donne des choses spirituelles ne doit être puisée qu’en elle-même et non dans les idées que nous fournit la lumière naturelle. Je fais connaître ensuite l’origine des préjugés que le peuple s’est formés (le peuple, toujours attaché à la superstition et qui préfère les reliques des temps anciens à l’éternité elle-même), en adorant les livres de l’Écriture plutôt que le Verbe de Dieu. Puis, je montre que le Verbe de Dieu n’a pas révélé un certain nombre de livres, mais seulement cette idée si simple, où se résolvent toutes les inspirations divines des prophètes, qu’il faut obéir à Dieu d’un cœur pur, c’est-à-dire en pratiquant la justice et la charité. Je prouve alors que cet enseignement a été proportionné par les prophètes et les apôtres à l’intelligence de ceux à qui le Verbe de Dieu se manifestait par leur bouche ; et cela, afin qu’ils pussent le recevoir sans aucune répugnance et sans aucun trouble. Après avoir ainsi reconnu les fondements de la foi, je conclus que la révélation divine n’a d’autre objet que l’obéissance, qu’elle est par conséquent distincte de la connaissance naturelle tant par son objet que par ses bases et ses moyens, qu’ainsi donc elles n’ont rien de commun, que chacune d’elles peut reconnaître sans difficulté les droits de l’autre, sans qu’il y ait ni maîtresse, ni servante.