Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/227

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pass.) sont contraires à la raison et partant mauvaises (par les Propos. 26 et 27, part. 4). C. Q. F. D.


PROPOSITION XLIX

L’estime rend aisément orgueilleux l’homme qui en est l’objet.

Démonstration : Si nous voyons que, par amour pour nous, on pense de nous plus de bien qu’il ne faut, nous serons aisément disposés à nous en glorifier (par le Schol. de la Propos. 41, part. 3), c’est-à-dire à en éprouver de la joie (par la Déf. 29 des pass.) ; et ce bien qu’on dit de nous, nous le croirons aisément (par la Propos. 25, part. 3), d’où il arrivera que, par amour pour nous, nous penserons de nous plus de bien qu’il ne faut, en d’autres termes (par la Déf. 27 des pass.), que nous deviendrons aisément orgueilleux. C. Q. F. D.


PROPOSITION L

La pitié est, de soi, mauvaise et inutile dans une âme qui vit selon la raison.

Démonstration : En effet, la pitié est une sorte de tristesse (par la Déf. 18 des pass.), et partant elle est, de soi, mauvaise (par la Propos. 41, part. 4). Quant au bien qui en résulte, je veux dire celui que nous faisons en nous efforçant de délivrer de sa misère l’objet de notre pitié (par le Coroll. 3 de la propos. 27, part. 3), la raison seule nous porte à désirer de l’accomplir (par la Propos. 37, part. 4), et ce n’est même que par la raison (par la propos. 27, part. 4) que nous pouvons faire le bien, en sachant certainement que nous faisons le bien ; d’où il suit que la pitié est, de soi, mauvaise et inutile dans une âme qui vit selon la raison.

Corollaire : Il résulte aussi de là que celui qui vit selon la raison s’efforce, autant qu’il est en lui, de ne pas être touché par la pitié.

Scholie : Celui qui a bien compris que toutes choses résultent de la nécessité de la nature divine, et se font suivant les lois et les règles éternelles de la nature, ne rencontrera jamais rien qui soit digne de haine, de moquerie ou de mépris, et personne ne lui inspirera jamais de pitié ; il s’efforcera toujours au contraire, autant que le