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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/228

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comporte l’humaine vertu, de bien agir et, comme on dit, de se tenir en joie. J’ajoute que l’homme qui est aisément touché de pitié et remué par la misère ou les larmes d’autrui agit souvent de telle sorte qu’il en éprouve ensuite du regret ; ce qui s’explique, soit parce que nous ne faisons jamais le bien avec certitude quand c’est la passion qui nous conduit, soit encore parce que nous sommes aisément trompés par de fausses larmes. Il est expressément entendu que je parle ici de l’homme qui vit selon la raison. Car si un homme n’est jamais conduit, ni par la raison, ni par la pitié, à venir au secours d’autrui, il mérite assurément le nom d’inhumain, puisqu’il ne garde plus avec l’homme aucune ressemblance (par la Propos. 27, part. 3).


PROPOSITION LI

Un penchant favorable pour une personne n’est pas contraire à la raison ; il peut s’accorder avec et en provenir.

Démonstration : Un penchant favorable, en effet, c’est l’amour qu’on a pour une personne qui fait du bien à autrui (par la Déf. 19 des pass.), et par conséquent, il se peut rapporter à l’âme, en tant que l’âme agit (par la Propos. 59, part. 3), c’est-à-dire (en vertu de la Propos. 3, part 3) en tant qu’elle comprend, d’où il suit que cette inclination est d’accord avec la raison, etc. C. Q. F. D.

Autre démonstration : Celui qui vit selon la raison, désire pour autrui ce qu’il désire pour lui-même (par la Propos. 37, part. 4). En conséquence, de cela seul qu’il voit une personne faire du bien à autrui, son propre effort pour faire aussi du bien en est favorisé ; il éprouve donc un sentiment de joie (par la Propos. 11, part. 3), lequel (d’après l’hypothèse) est accompagné de l’idée de la personne qui fait du bien à autrui. Ainsi donc (par la Déf. 19 des pass.) il a du penchant pour elle. C. Q. F. D.

Scholie : L’indignation, telle que nous l’avons définie (voyez la Déf. 20 des pass.), est nécessairement mauvaise (par la Propos. 45, Part. 4) ; mais il faut remarquer que lorsque le souverain, animé du désir de maintenir la