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DE L’ENTENDEMENT.

leur origine dans l’imagination, c’est-à-dire dans certaines sensations fortuites, pour ainsi parler, et sans liaison, qui ne viennent pas de la puissance même de l’âme, mais de causes externes, selon que le corps, dans le rêve ou dans la veille, reçoit divers mouvements. Si vous aimez mieux, concevez ici par l’imagination ce que vous voudrez, pourvu que ce soit quelque chose de différent de l’entendement, et quelque chose qui mette l’âme dans la situation d’un être passif ; car il est indifférent que vous pensiez une chose ou une autre, une fois que nous savons que l’imagination est quelque chose de confus qui rend l’âme passive, et que nous savons en même temps comment nous pouvons nous en affranchir au moyen de l’entendement. Qu’on ne s’étonne pas non plus que, sans avoir prouvé encore qu’il y ait un corps et d’autres choses nécessaires, je parle de l’imagination, du corps et de sa constitution. Car, comme je l’ai dit, il est indifférent que je pense une chose ou une autre, une fois que je sais que c’est quelque chose de confus, etc.

Nous avons fait voir que l’idée vraie est simple ou composée d’idées simples ; nous avons fait voir ce qu’elle montre, et de quelle manière, et pourquoi telle chose est ou a été faite ; nous avons fait voir aussi que les effets objectifs des choses dans l’âme s’y produisent à l’image de ce qu’il y a de formel dans l’objet lui-même, ce qui est la même chose que ce qu’ont dit les anciens : que la véritable science procède de la cause à l’effet ; seulement ils n’ont jamais, que je sache, conçu, comme nous l’avons fait ici, l’âme agissant selon des lois déterminées et comme un automate spirituel. De là nous avons acquis autant que possible dès le commencement la connaissance de notre entendement et une règle concernant l’idée vraie, telle que nous ne craignons plus de confondre le vrai avec le faux ou avec les produits de l’imagination. Nous ne nous étonnerons pas non plus de comprendre par l’entendement certaines choses qui ne