Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/348

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et la convenance de ces deux attributs, l’explication de l’union de l’âme humaine avec le corps, enfin, les principes de la philosophie de Descartes et de Bacon. Mais comme nous ne parlions guère qu’en courant de ces graves matières et que tous ces problèmes viennent par moments mettre mon esprit à la torture, j’userai avec vous des droits de l’amitié et vous prierai le plus affectueusement du monde de m’exposer avec quelque étendue vos pensées sur les sujets que je rappelais tout à l’heure. Il y a surtout deux points sur lesquels je voudrais être éclairé, si toutefois cela vous agrée : je désirerais savoir, d’abord, en quoi consiste véritablement la différence que vous établissez entre l’étendue et la pensée ; puis quels sont les défauts que vous remarquez dans la philosophie de Descartes et de Bacon, et pourquoi vous pensez qu’on la peut renverser et y substituer quelque chose de mieux. Croyez, Monsieur, que plus vous mettrez de libéralité à m’éclairer sur ces questions et autres semblables, plus vous m’attacherez étroitement à vous et me mettrez dans une stricte obligation de vous rendre la pareille, si toutefois la chose est possible.

On met sous presse en ce moment des Essais de physiologie composés par un noble Anglais de grande science. Cet ouvrage traite de la nature de l’air et de sa propriété élastique, établie par quarante-trois expériences, de la fluidité, de la solidité et autres choses analogues. Dès que l’ouvrage sera imprimé, j’aurai soin de vous le faire tenir par quelque ami qui passera la mer. En attendant, conservez bonne santé et n’oubliez pas votre ami qui se dit,

Avec zèle et de tout son cœur,

Tout à vous,
Henri Oldenburg.
Londres, 10-26 août 1661.