Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
LETTRES.

LETTRE II.

RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE
À MONSIEUR HENRI OLDENBOURG,
B. DE SPINOZA


Monsieur,

Vous jugerez vous-même combien votre amitié m’est agréable, pourvu que vous obteniez en même temps de votre modestie qu’elle vous laisse apercevoir les belles qualités qui vous distinguent ; et bien qu’il me paraisse, en les considérant, que c’est bien de l’orgueil de ma part d’aspirer à votre amitié, surtout quand je songe qu’entre amis tout devient commun, et les biens de l’esprit plus que tout le reste, cependant je me dis qu’après tout la faute en est à votre modestie et à votre bienveillance. C’est votre modestie qui s’abaisse jusqu’à moi ; c’est votre bienveillance qui me donne plus que je ne puis rendre, et qui m’encourage, en daignant me demander mon amitié, à commencer avec vous un commerce affectueux et à l’entretenir avec tout le zèle dont je suis capable. Vous parlez, Monsieur, des qualités de mon esprit. Certes, si j’en avais quelqu’une, c’est de grand cœur que je consentirais à vous en faire part, quoique la chose ne pût se faire sans grand dommage pour moi. Mais ceci n’est point un prétexte pour vous refuser ce que vous me demandez en usant des droits de l’amitié, et je vais essayer incontinent de vous dire ma pensée sur les points dont vous me parlez, quoique je ne me flatte pas de vous satisfaire, si vous n’y mettez de la complaisance. Je commencerai par vous parler de Dieu. Je le définis : un être constitué par une infinité

III. 30