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LETTRES.

découvrir entièrement l’origine et la production des substances ainsi que la dépendance réciproque et la subordination des choses. Et, pour vous décider à en user avec moi dans cette occasion en toute franchise et toute confiance, j’invoque ici notre amitié, et vous supplie le plus instamment qu’il est possible d’être assuré que toutes les pensées que vous voudrez bien me communiquer auront en moi un sûr et fidèle dépositaire, et que je ne les confierai à qui que ce soit, de crainte qu’il ne puisse vous en arriver quelque dommage.

Nous sommes ici tout occupés, dans notre Collège philosophique[1], à faire des expériences et des observations, selon la mesure de nos forces ; et nous essayons de tracer une histoire des arts mécaniques, persuadés que nous sommes que les formes et les qualités des choses se peuvent expliquer parfaitement par des principes mécaniques, et que tous les effets de la nature se réduisent au mouvement, à la figure, à l’agencement des parties et aux diverses complications qui en résultent, sans qu’il y ait la moindre nécessité de recourir à ces formes inexplicables, à ces qualités occultes qui sont l’asile de l’ignorance. Je vous manderai le livre que je vous ai promis[2] aussitôt que l’ambassade hollandaise enverra un messager à La Haye, ce qui arrive assez fréquemment, ou bien dès que je pourrai le confier à quelque ami sûr qui prendra le chemin de votre pays. Excusez, Monsieur, la prolixité de cette lettre et les libertés que je me donne. Veuillez surtout prendre en bonne part, comme c’est l’usage entre amis, une lettre écrite sans déguisement et sans aucun des raffinements à l’usage des cours, et croyez-moi, en toute franchise et en toute simplicité,

Votre bien dévoué,
Henri Oldenburg.
Londres, 27 septembre 1661.
  1. Ce collège philosophique devint peu après la Société royale de Londres, dont Oldenburg fut un des secrétaires.
  2. Le Livre de Robert Boyle, De Nitro, Fluiditate et Firmitate.