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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/380

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exemple, celui que vous citez vous-même à la fin de votre lettre. Si je dis : chaque substance n’a qu’un seul attribut, voilà une proposition pure et simple qui a besoin de démonstration ; mais si je dis : j’entends par substance ce qui est constitué par un seul attribut, la définition est bonne, à condition que vous désigniez ensuite par un autre nom les êtres qui sont constitués par plusieurs attributs.

Vous dites que je ne démontre pas que la substance (ou l’être) puisse avoir plusieurs attributs ; c’est que vous n’avez pas regardé de près mes démonstrations. J’ai donné deux preuves de la proposition que vous contestez : la première, c’est qu’il n’y a rien de plus évident que ce principe, que tout être est conçu par nous sous un certain attribut 3, et que plus il a de réalité ou d’être, plus il a d’attributs ; d’où il suit que l’être absolument infini doit être défini, etc. Ma seconde preuve et à mon avis la principale, c’est qu’à mesure que j’assigne à une chose un plus grand nombre d’attributs, j’en suis d’autant plus forcé de reconnaître son existence, c’est-à-dire de la concevoir comme vraie 4. Or, ce serait tout le contraire si j’avais imaginé une chimère ou quelque chose de semblable.

Vous dites encore que vous ne concevez la pensée que par les idées, à cause que si l’on ôte les idées, la pensée n’est plus. Cela vient de ce qu’en faisant abstraction des idées, vous qui êtes une chose pensante, vous faites abstraction de toutes vos pensées et de tous vos concepts. Or ce n’est pas merveille qu’après avoir retranché toutes vos pensées, il ne vous reste plus rien à penser ensuite. Mais quant au fond de la chose, je crois avoir démontré, avec toute la clarté et l’évidence désirables, que l’entendement, quoique infini, se rapporte à la nature naturée et non pas à la nature naturante 5. Du reste, je ne vois pas en quoi tout cela peut servir à l’intelligence de la troisième définition, ni quelle difficulté vous y trouvez. La voici telle