Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/384

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quatre objets que voici : la substance, le mode, l’éternité, la durée.

Relativement à la substance, je vous prie de considérer : 1° que l’existence appartient à son essence 2, c’est-à-dire qu’il suit de sa seule essence et de sa seule définition qu’elle existe réellement. Si j’ai bonne mémoire, c’est un point que je vous ai démontré dans le temps de vive voix, sans avoir besoin d’aucune autre proposition. - 2° Il résulte des principes que je viens de poser que la substance n’est pas multiple, mais unique ; par où j’entends qu’il n’en peut exister deux de même nature 3. - 3° Toute substance ne peut être conçue que comme infinie 4.

Ce que j’appelle modes, ce sont les affections de la substance. Or, la définition des modes, en tant qu’on la distingue de celle de la substance, n’enveloppe point l’existence réelle. C’est pourquoi, bien qu’ils existent, nous pouvons les concevoir comme n’existant pas ; d’où il suit qu’en tant que nous considérons leur essence toute seule, et non l’ordre de toute la nature, nous ne pouvons pas inférer, de ce qu’ils existent maintenant, qu’ils continueront ou non d’exister, qu’ils ont ou non existé auparavant. On voit donc clairement que nous concevons l’existence de la substance comme entièrement différente de celle des modes. Et de là vient la distinction de l’éternité et de la durée ; car il n’y a que l’existence des modes qui tombe dans la durée ; celle de la substance est dans l’éternité, je veux dire qu’elle consiste dans une possession infinie de l’être (essendi).

Voici maintenant la conséquence que je veux tirer de tout ce qui précède : comme nous considérons d’ordinaire la seule essence des modes et non l’ordre entier de la nature, il nous est possible de déterminer à notre gré l’existence des modes et la durée, de les concevoir plus