Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/412

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hommes, ni plus, ni moins ; car, d’après notre troisième supposition, il est nécessaire que chacun d’eux ait une cause ou raison de son existence. Or cette cause, par la seconde et la troisième supposition, ne peut être enfermée dans la nature de l’homme toute seule, la définition vraie de l’homme n’enveloppant aucun nombre d’hommes déterminé. Il faudra donc, par la supposition quatrième, que la cause de l’existence de ces vingt hommes, et partant, de chacun d’eux, soit une cause extérieure. D’où il faut conclure, d’une manière absolue, que tout ce qui est conçu comme multiple existe par des causes étrangères, au lieu d’être produit par la force même de sa propre nature. Or, par hypothèse, l’existence nécessaire appartient à la nature de Dieu ; elle doit donc être enfermée dans la vraie définition de Dieu : d’où il suit que l’existence nécessaire de Dieu se doit conclure de cette définition. Et comme il a été démontré, par la seconde et la troisième supposition, que l’on ne peut conclure de la vraie définition de Dieu l’existence nécessaire de plusieurs dieux, on arrive finalement à l’existence d’un Dieu unique. C. Q. F. D.

Voilà, Monsieur, la méthode qui m’a paru en ce moment la meilleure pour démontrer l’existence d’un seul Dieu. Du reste, je l’ai précédemment établie d’une autre façon, par la distinction de l’essence et de l’existence ; mais j’ai préféré vous envoyer la présente démonstration, comme plus rapprochée de vos propres indications. J’espère qu’elle vous paraîtra satisfaisante ; sur quoi j’attends votre sentiment, et me dis en attendant, Monsieur, etc.


Woorburg, 7 janvier 1666.