Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/413

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Lettre XX.

À MONSIEUR ****,

B. DE SPINOZA.



MONSIEUR,


Votre lettre du 30 mars a parfaitement éclairci ce qu’avait d’un peu obscur à mes yeux celle que j’ai reçue de vous le 10 février. Connaissant bien maintenant votre sentiment propre sur la question qui nous occupe, je vais la poser de la façon même dont vous l’envisagez, dans ces termes, par exemple : n’y a-t-il qu’un seul être qui subsiste par sa force propre, qui se suffise à lui-même ? À quoi je réponds, non-seulement qu’il n’y en a qu’un seul, mais que cela n’a besoin pour être démontré que de ce principe : que la nature de Dieu enveloppe l’existence nécessaire ; bien que d’ailleurs on arrive très-aisément à la même démonstration, soit par l’intelligence de Dieu (comme j’ai fait dans la proposition XI de mes démonstrations géométriques des Principes de Descartes), soit par d’autres attributs de Dieu 1. Pour en venir à la preuve actuelle, je vais d’abord montrer quelles propriétés doit avoir nécessairement un être dont l’essence enferme l’existence nécessaire.

1° Il doit être éternel ; car si vous lui attribuez une durée déterminée, cet être, considéré hors de la durée qui lui appartient, devra être conçu comme n’existant pas, c’est-à-dire comme n’enfermant pas dans son essence l’existence nécessaire, ce qui est contraire à sa définition.

2° Il doit être simple et non pas composé de parties ; car les parties composantes sont antérieure