Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/189

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des navires, se traînent des charriots. L’airain même se fend ; les vêtements se roidissent sur le corps, et la hache coupe le vin ; les étangs se durcissent en blocs de glace, et des gouttes d’eau qui gèlent en tombant s’attachent à la barbe hérissée. Cependant la neige ne cesse d’obscurcir le ciel : les menus troupeaux périssent ; plus grands et plus vigoureux, les bœufs restent ensevelis sous les frimas ; les cerfs rassemblés et serrés les uns contre les autres, immobiles sous la masse qui les écrase, laissent à peine percer la pointe de leur bois. Pour les prendre, il n’est besoin ni de meutes, ni de toiles, ni d’épouvantails aux plumes mobiles et éclatantes. En vain ils cherchent à écarter les montagnes qui les arrêtent ; le barbare habitant de ces contrées les perce, et, fier de son triomphe, remporte à grands cris sa victime au fond de son antre. C’est là que, dans de profondes cavernes qu’ils ont creusées sous la terre, habitent oisifs et tranquilles ces peuples sauvages, entassant, roulant dans d’immenses brasiers et livrant aux flammes des chênes et des ormes tout entiers. Ils passent la nuit à jouer et s’enivrent avec délices de boissons fermentées, dont le goût acide imite le jus de la vigne. Ainsi vivent, sous la constellation de l’Ourse, ces peuples sans frein et sans lois, toujours battus des vents riphéens, et vêtus seulement de la peau des bêtes fauves.