Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/188

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nuit, souvent durant des mois entiers, on y laisse paître les troupeaux ; ils errent dans de vastes déserts, sans un seul toit pour les recevoir : tant la plaine est immense ! Le berger africain mène tout avec lui : maison, pénates, armes, chien d’Amyclée et carquois de Crète. Tel, sous le poids énorme de ses armes, le soldat romain marche léger où l’appelle la patrie, et, après avoir établi son camp, se présente en corps à l’ennemi surpris.

Il n’en est pas ainsi chez les peuples de Scythie, vers les Palus-Méotides, et aux champs où l’Ister roule dans ses eaux troubles des sables jaunâtres, aux lieux où le mont Rhodope revient sur lui-même, après s’être étendu jusqu’au pôle. Là, les troupeaux restent renfermés dans l’étable ; là, on n’aperçoit ni herbe dans les plaines, ni feuilles sur les arbres ; la terre ne présente qu’un amas informe de neige et une glace continue, profonde de sept coudées. Toujours l’hiver, toujours des vents qui soufflent la froidure ; de sombres brouillards que ne dissipe jamais le Soleil, ni lorsque, animant ses coursiers, il s’élève au plus haut des airs, ni lorsque, précipitant son char vers l’horizon, il le plonge au sein de l’Océan qu’il éclaire de ses feux. Le fleuve rapide sent tout à coup ses eaux enchaînées sous une couche de glace ; l’onde supporte des chars avec leurs jantes de fer, et, là où voguaient