Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/196

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se changeaient en fureur, et, dans les convulsions de la mort (dieux, loin de nous ce délire ! gardez-le pour vos ennemis !), il déchirait lui-même de ses dents décharnées ses membres en lambeaux.

Plus loin, le taureau, fumant sous le poids de la charrue, tombe tout à coup, vomit un sang mêlé d’écume, et pousse un profond et dernier gémissement. Triste, le laboureur va dételer l’autre bœuf affligé de la mort d’un frère, et laisse sa charrue au milieu du sillon commencé.

Ombres épaisses des forêts, tendre verdure des prairies, rien ne saurait ranimer leur langueur ; rien, pas même le ruisseau qui, plus pur que le cristal, coule sur un lit de cailloux, à travers la plaine. Leurs flancs s’affaissent ; une morne stupeur appesantit leurs yeux éteints, et leur tête alourdie se penche sous son poids vers la terre. Que leur servent, hélas ! tant de travaux, tant de bienfaits ? Que leur sert d’avoir, d’un soc pesant, retourné une terre rebelle ? Pourtant ce ne sont ni les vins du Massique, ni les mets somptueux qui les tuent. Ils ont pour nourriture la feuille de l’arbrisseau et l’herbe des prairies ; pour boisson, une source fraîche ou l’onde d’un fleuve rapide ; et jamais les soucis n’interrompent leur doux sommeil.

Ce fut alors, dit-on, que, dans ces contrées, on chercha vaine-