Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/222

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Déjà, revenant sur ses pas, Orphée avait échappé à tous les périls ; Eurydice remontait au séjour de la lumière, suivant les pas de son époux (ainsi l’avait ordonné Proserpine), quand tout à coup sa tendresse imprudente le trahit : faute bien pardonnable, si les mânes savaient pardonner. Il s’arrête, et déjà aux portes du jour, oubliant sa promesse et vaincu par l’amour, il se retourne : là périt le fruit de tant de peines ; le pacte fait avec le cruel Pluton est rompu, et trois fois les marais de l’Averne retentissent d’un bruit éclatant.

« Qui donc, s’écrie-t-elle, m’a perdue, malheureuse ! et t’a perdu, cher Orphée ? Quelle violence cruelle ! Voici que de nouveau m’entraînent les destins impitoyables, et que le sommeil ferme mes yeux éteints pour jamais. Adieu ! je me sens emportée au sein d’une épaisse nuit ; j’étends vers toi mes mains défaillantes. Hélas ! je ne suis déjà plus à toi ! » Elle dit, et, comme une légère fumée, elle disparaît et s’évanouit dans les airs. En vain Orphée veut saisir son ombre fugitive ; en vain il la rappelle pour lui parler ; Eurydice ne revit plus Orphée, et le nocher de l’enfer ne lui permit plus de repasser l’onde qui les séparait. Que faire ? deux fois privé d’une épouse chérie, par quels pleurs émouvoir les mânes, par quels accents fléchir les divinités infernales ?