Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/224

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malheureuse Eurydice ! » murmurait son dernier soupir ; et tous les échos du rivage redisaient : « Eurydice ! »

Ainsi parle Protée, et il se replonge au sein des mers, faisant, à l’endroit où il s’élance, tournoyer les ondes écumantes. Cyrène ne quitte point son fils, et le rassure en ces mots : « Mon fils, bannis tes craintes et ta tristesse. Tu connais la cause de tes malheurs : les Nymphes avec lesquelles Eurydice dansait dans les bois sacrés ont jeté sur tes abeilles ce fléau meurtrier. Offre-leur des prières et des présents : sollicite ta grâce, et adore, en les invoquant, les indulgentes Napées : elles écouteront tes vœux, et apaiseront leur courroux. Mais apprends d’abord comment tu dois les invoquer. Parmi les troupeaux que tu nourris sur les verts sommets du mont Lycée, choisis quatre taureaux d’une beauté remarquable, et autant de génisses dont la tête ignore encore le joug ; élève ensuite quatre autels devant le temple des Nymphes ; fais-y couler le sang des victimes, et abandonne leurs cadavres sous l’épais feuillage du bois. Quand la neuvième aurore paraîtra sur l’horizon, tu offriras aux mânes d’Orphée les fleurs du pavot, symbole de l’oubli ; tu invoqueras avec respect Eurydice, après l’avoir apaisée en lui sacrifiant une génisse ; puis tu immoleras une brebis noire, et tu rentreras dans le bois. »