Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/234

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fils de Tydée, que n’ai-je pu périr dans les champs d’Ilion, et expirer sous tes coups, aux lieux où le vaillant Hector tomba sous le glaive d’Achille, où fut enseveli le grand Sarpedon, où le Simoïs engloutit et roula dans ses ondes tant de boucliers et tant de casques, et les corps de tant de héros ! »

Tandis qu’il parle ainsi, l’orageux Aquilon siffle et frappe en plein la voile, et lance les flots vers les astres. Les rames se brisent, la proue se détourne et présente aux flots le flanc du navire ; les ondes pressées s’amoncellent et s’élèvent en montagnes. À la cime des vagues les uns sont suspendus ; les autres découvrent la terre dans le sein de la mer qui s’entr’ouvre : le sable bouillonne avec fureur. Trois vaisseaux qu’emporte le Notus sont jetés sur ces rochers cachés sous l’onde, que l’Italie nomme les Autels, et dont le dos immense se prolonge jusqu’à la surface des eaux. Entraînés par l’Eurus, trois autres navires (ô spectacle déplorable !) sont lancés sur des syrtes, brisés sur les écueils, et ceints d’un rempart de sables mouvants.

Une nef, qui portait les Lyciens et le fidèle Oronte, est assaillie, sous les yeux d’Énée, par une vague énorme qui s’élève au-dessus de ses flancs et retombe sur la poupe. Le pilote chancelle, tombe et roule, la tête en avant, dans les flots. Le navire tourne trois fois sur lui-même, et un rapide tourbillon l’engloutit