Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/233

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« Reine, répond Éole, à vous il appartient d’examiner ce que vous souhaitez, à moi d’exécuter vos ordres. C’est de vous que je tiens tout mon pouvoir ; c’est à vous que je dois mon sceptre et la faveur de Jupiter ; c’est vous qui me faites asseoir à la table des dieux, et c’est par vous que je commande aux nuages et aux tempêtes. »

Il dit, et, du revers de sa lance, il frappe le flanc du mont caverneux. Soudain, par cette issue, les vents, comme un bataillon tumultueux, se précipitent en tourbillons, et se répandent sur la terre en soufflant avec violence. L’Eurus, et le Notus, et l’Africus, fécond en orages, soulèvent dans leurs abîmes les ondes, et poussent vers les rivages les vastes flots. Alors s’élèvent confondus et les cris des nochers et le sifflement des cordages. La nue épaisse dérobe aux yeux des Troyens et le ciel et le jour : une nuit sombre s’étend sur les eaux ; les cieux tonnent ; des feux redoublés sillonnent l’éther, et tout présente aux matelots une mort menaçante.

Dans ce danger, Énée sent ses membres glacés ; il gémit, et, levant ses mains vers les cieux : « Ô trois et quatre fois heureux, s’écrie-t-il, ceux qui, sous les yeux de leurs parents, sont tombés sous les remparts de Troie ! Ô le plus vaillant des Grecs,