Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/245

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nymphes ? Qui que vous soyez, montrez-vous propice, et allégez le poids de nos malheurs. Dites-nous sous quel ciel et sur quels rivages nous sommes jetés : poussés sur ces bords par les vents et les flots, nous errons, ignorant et ces lieux et leurs habitants. Nos mains feront tomber, sur vos autels, de nombreuses victimes. »

« Non, dit la déesse, ces honneurs ne me sont pas dus. C’est l’usage des vierges de Tyr de porter le carquois et de chausser le cothurne de pourpre. Vous voyez ici le royaume de Phénicie, une ville bâtie par les Tyriens et les enfants d’Agénor. Plus loin, sont les Libyens, peuple indomptable dans la guerre. Didon, qui, pour fuir un frère perfide, s’est éloignée de Tyr, gouverne cet empire. La longue histoire de ses malheurs demanderait un long récit : j’en effleurerai seulement les faits principaux.

« Sichée, le plus riche des Phéniciens, était l’époux de Didon, et l’infortunée l’aimait d’un amour tendre. C’est à lui que, vierge encore, elle avait été donnée par son père, et unie sous les premiers auspices de l’hymen. Mais, dans Tyr, régnait Pygmalion, frère de Sichée, et le plus féroce des mortels. La Discorde, avec ses fureurs, vint au milieu des deux frères. Aveuglé par la passion de l’or, impie envers les dieux, et sans égard pour sa sœur, Pygmalion surprend Sichée sans défense, et l’égorge en secret