Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/246

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au pied des autels. Longtemps il céla son crime ; longtemps, par mille impostures, il abusa d’un faux espoir une amante désolée. Mais, une nuit, apparut en songe à Didon l’ombre de son époux privé de sépulture : le visage couvert d’une affreuse paleur, il lui montre l’autel sanglant, son sein percé d’un glaive, et dévoile le crime secret commis dans le palais. Il conseille, loin de la patrie, une fuite rapide, et, pour la rendre plus facile, il découvre de vieux trésors confiés à la terre, amas ignoré d’argent et d’or. Dans son effroi, Didon prépare tout pour le départ, et cherche des compagnons. Près d’elle se rassemblent ceux qu’excite la haine contre le tyran, et ceux que la crainte décide. Le hasard leur offre des vaisseaux prêts à mettre à la voile : ils s’en emparent, et les chargent d’or. Les richesses de l’avare Pygmalion sont emportées sur les mers : c’est une femme qui a tout ordonné et tout conduit. Ils arrivent aux lieux où vous allez voir s’élever les remparts de la nouvelle Carthage. C’est là qu’ils ont acheté autant d’espace que les lanières d’un cuir de taureau pouvaient en embrasser : ce qui a fait donner à la ville le nom de Byrsa. Mais vous enfin, qui êtes-vous ? de quels bords êtes-vous partis ? où se dirigent vos pas ? » À ces questions, Énée soupire, et du fond de sa poitrine tire ces paroles :