Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/247

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« Ô déesse, si je remontais à la source de nos malheurs, et que vous eussiez le loisir d’en écouter l’histoire, avant la fin de ce récit, Vesper aurait fermé l’Olympe et les portes du jour.

« Partis de l’antique Troie, (si par hasard le nom de Troie est venu jusqu’à vos oreilles), nous avons erré longtemps de mers en mers, et la tempête enfin nous a jetés sur les côtes de la Libye.

« Je suis le pieux Énée, qui emporte avec moi, sur mes vaisseaux, les dieux de Troie enlevés à ses vainqueurs. La renommée a porté mon nom jusqu’aux astres. Je cherche l’Italie, berceau de mes aïeux : car je tire mon origine du grand Jupiter. Je suis parti des mers de la Phrygie avec vingt vaisseaux : la déesse, ma mère, me montrant le chemin, j’allais où les destins m’appellent. À peine sept navires me restent, cruellement secoués par les vents et par les ondes. Moi-même, inconnu sur cette plage, dénué de tout, je suis errant dans ces déserts, repoussé de l’Asie et de l’Europe. »

Vénus ne peut entendre plus longtemps son fils déplorer ses malheurs ; et, interrompant ses douloureuses plaintes : « Qui que vous soyez, dit-elle, les dieux, je le crois, ne vous sont point contraires, puisqu’ils vous ont conduit à la ville des Tyriens. Poursuivez donc votre route, et rendez-vous au palais de la reine ; car je vous annonce le retour de vos compagnons et de vos vaisseaux, si toutefois mes parents ne m’ont pas vainement