Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/280

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fuis, dit-il, fils d’une déesse, et arrache-toi aux flammes qui t’environnent ! L’ennemi est dans nos murs : Troie s’écroule et tombe du haut de son faîte altier : nous avons assez fait pour la patrie et pour Priam. Si le bras d’un mortel eût pu défendre Pergame, ce bras l’eût défendue. Troie te recommande ses autels et ses pénates. Prends-les pour compagnons de tes destins, et donne-leur pour asile ces murs superbes que tu élèveras enfin, après avoir longtemps erré sur les mers. » Il dit, et, du fond du sanctuaire, m’apporte dans ses bras les bandeaux sacrés, la puissante Vesta, et ses feux éternels.

Cependant le trouble et la désolation remplissent la ville, et quoique la demeure d’Anchise soit écartée et cachée sous un abri d’arbres épais, on entend de plus en plus croître les cris et retentir le bruit des armes. Soudain je m’éveille, je vole au faîte du palais et prète au loin une oreille attentive. Ainsi, quand l’Auster furieux fait courir la flamme dans les moissons ; ou quand, s’élançant des montagnes, un rapide torrent détruit les guérets, détruit l’espoir du laboureur, le travail de la charrue, et entraîne les forêts arrachées dans son cours : debout sur la cime d’un rocher, le pasteur immobile s’étonne, ignorant d’où vient le bruit éloigné qui frappe son oreille.

Alors toute la vérité m’apparaît, et les embûches se dévoilent.