Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/279

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C’était l’heure où le premier sommeil commence pour les malheureux mortels, et, par un bienfait des dieux, s’insinue d’une manière si douce dans leurs sens. Voilà qu’en songe il me sembla qu’Hector m’apparaissait, accablé de tristesse et versant des pleurs en abondance, tel qu’on le vit autrefois, traîné derrière un char, le corps noirci d’une sanglante poussière, et les pieds gonflés par les courroies dont ils furent liés. Hélas ! dans quel état je le voyais ! combien il était changé ! et qu’il était différent de cet Hector revenant couvert des dépouilles d’Achille, ou lançant les flammes troyennes sur la flotte des Grecs ! Sa barbe était souillée, sa chevelure roidie par le sang ; et sur son corps apparaissaient les nombreuses blessures reçues sous les murs de sa patrie. Il me semblait que moi-même, pleurant, j’appelais ce héros en exhalant ces tristes plaintes : « Ô gloire de la Phrygie, et le plus sûr espoir des fils de Teucer, quels si grands obstacles ont retardé votre retour ? De quels rivages venez-vous, Hector, si longtemps attendu ? Après tant de funérailles, après les longues infortunes de Troie et de ses guerriers, en quel état nous vous revoyons ! Quel indigne outrage a troublé la sérénité de votre front ? et d’où viennent ces plaies que j’aperçois ? »

Il ne répond rien ; et, sans s’arrêter à ces vaines questions, mais tirant du fond de son cœur un long gémissement : « Ah !