Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/30

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publics des beaux-esprits. » Voilà le prince, le monarque qui se révèle dans l’homme poli, et qui pose en principe la dignité du goût.

Ce serait après avoir parlé de Virgile, d’Horace, de Tibulle, de Properce, d’Ovide et de Tite-Live, ces six grands écrivains ou poëtes, les seuls d’alors parvenus jusqu’à nous, qu’il serait tout à fait opportun de s’arrêter devant Auguste, et de considérer dans son ensemble le siècle auquel il a donné son nom en même temps qu’il y a mis partout son cachet poli et délicat. On entrevoit déjà, à travers les différences et sauf l’incomparable supériorité de son esprit, ses quelques ressemblances directes avec Louis XIV.

C’était bien le même homme qui voulait Horace pour son secrétaire, et qui ambitionnait de l’enlever à Mécène : « Auparavant, disait-il à ce dernier, je suffisais moi-même à écrire des lettres à mes amis : maintenant que je suis accablé d’affaires et un peu malade, je voudrais débaucher de toi notre Horace. Qu’il s’en vienne donc de cette table de parasite à notre table royale, et il nous aidera à écrire nos lettres. » Et comme Horace refusait en s’excusant sur sa santé, Auguste (chose plus rare !) ne lui en voulait pas : « Tu pourras, lui écrivait-il, apprendre de notre Septimius quel souvenir je garde de toi, car il est arrivé que devant lui j’ai eu à m’exprimer sur ton compte ; et de ce que tu as si fièrement méprisé notre amitié, il ne s’ensuit pas que nous te rendions dédain pour dédain. » Il badinait et raillait avec l’élégant et fin poëte : au poëte le plus sensible et le plus noblement idéal, il demandait des tableaux élevés et la gloire.

Il suffit d’ouvrir les premiers livres de l’Énéide pour voir combien Virgile a emprunté d’Homère, combien il l’a imité à chaque pas et presque dans toutes les inventions, qui ne sont chez lui, à bien des égards, que des emprunts et des transplantations ; mais le côté original, et qui vivifiera tout, qui distinguera le poëme de Virgile de toutes les autres imitations latines des sujets et des formes grecques,