Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/301

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blés. Tandis que je précipite mes pas dans des lieux détournés, et m’éloigne des routes connues, hélas ! mon épouse Créuse me fut ravie. Par quel destin me fut-elle enlevée ? J’ignore si elle s’arrêta, ou se trompa de route, ou succomba à la fatigue ; mais elle ne reparut plus à mes yeux. Je ne m’aperçus de son absence et ne songeai à elle qu’au moment où nous fûmes arrivés sur la colline, devant le temple de l’antique Cérès. Là tous mes compagnons s’étaient réunis : elle seule manquait ; elle seule trompait l’espoir d’un fils, d’un époux et de tous les miens. Oh ! qui, dans mon délire, n’accusai-je point des hommes et des dieux ! et qu’avais-je vu de plus affreux parmi les désastres d’Ilion écroulé ? Je recommande à mes compagnons Ascagne, mon père Anchise et les pénates troyens : je les cache dans le creux d’un vallon, et, couvert de mes armes étincelantes, je revole vers la ville, décidé à tout entreprendre, à parcourir Troie tout entière, à m’exposer encore aux dangers.

Je regagne d’abord les remparts et l’obscure issue par où j’étais sorti. Je retourne sur mes pas, et mes regards en recherchent la trace à travers les ténèbres. Partout l’horreur et le silence même m’épouvantent. Ensuite je me rends au palais, pour voir si par hasard elle y serait retournée : les Grecs l’avaient envahi, et l’occupaient tout entier. Déjà le feu dévorant, excité