Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/300

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un cyprès, que, depuis longues années, a respecté la piété de nos pères ; c’est là que, par des chemins divers, nous nous réunirons. Vous, mon père, prenez dans vos mains ces vases sacrés et les dieux de la patrie. Moi, qui sors à peine d’un combat si terrible et d’un carnage récent, je ne puis les toucher sans crime, avant qu’une eau vive ne m’ait purifié. »

À ces mots, je jette sur mes larges épaules, et sur mon cou que j’abaisse, la fauve dépouille d’un lion, et je m’incline pour recevoir mon précieux fardeau. Le jeune Iule s’attache à ma main droite, et suit son père à pas inégaux. Créuse marche derrière moi. Nous avançons à travers les plus sombres chemins. Et moi, que n’avaient pu émouvoir ni les traits lancés de toute part, ni la foule menaçante des bataillons grecs, maintenant un souffle m’épouvante ; le moindre bruit m’inquiète et me tient en suspens, et je crains également pour mon compagnon et pour mon fardeau.

Déjà j’approchais des portes, et je me croyais échappé à tous les périls de la route, quand soudain un bruit de pas précipités semble se faire entendre ; mon père regarde à travers les ténèbres : « Fuis, mon fils, dit-il, fuis ! ils approchent : j’aperçois les boucliers étincelants et l’airain qui brille. » Je ne sais quelle divinité ennemie vient, en ce moment, égarer mes esprits trou-