Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/306

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tivent les vastes plaines, et où régnait autrefois le farouche Lycurgue. Une antique hospitalité et des pénates amis unissaient les peuples de ces contrées aux Troyens, tant que dura notre fortune. C’est là qu’amené par les destins contraires, je jette les premiers fondements d’une ville, que j’appelle, de mon nom, Énéade.

J’offrais un sacrifice à Vénus ma mère, aux dieux protecteurs de ces nouveaux remparts, et j’immolais, sur le rivage, un taureau blanc au souverain des dieux.

Non loin était un tertre que le cornouiller et le myrte hérissaient de leurs rameaux épais. Je m’approche ; je veux, avec effort, arracher des tiges verdoyantes pour ombrager les autels ; mais soudain un effrayant prodige frappe mes regards : le premier arbrisseau, séparé par moi de ses racines, distille un sang noir qui souille la terre de taches livides. Mes membres frissonnent d’horreur, et mon sang glacé s’arrête d’épouvante. Je veux arracher un second arbuste, et pénétrer les causes mystérieuses du prodige : un nouveau sang coule de ce nouvel arbuste. L’esprit troublé de mille pensées, j’adressais mes vœux aux nymphes des champs, au dieu Mars, protecteur du pays des Gètes, les priant de rendre ce prodige favorable et de conjurer cet horrible