Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/349

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autant de langues, autant de bouches bruyantes, autant d’oreilles attentives. La nuit, elle vole entre le ciel et la terre, faisant entendre un bruit perçant au milieu des ténèbres, et jamais le doux sommeil n’abaisse ses paupières : le jour, sentinelle infatigable, elle veille, assise sur le faîte des palais, ou sur le sommet des tours ; et, de là, elle sème l’épouvante dans les cités, opiniâtre messagère de l’erreur et du mensonge aussi bien que de la vérité.

Elle se plaisait alors à répandre parmi les peuples mille bruits confus, et proclamait également le vrai et le faux. Elle annonçait qu’Énée, issu du sang troyen, était arrivé à Carthage ; que la belle Didon daignait s’unir à lui ; que, pour eux, l’hiver entier s’écoulait mollement dans le luxe des fêtes, et qu’enchaînés par un honteux amour, ils oubliaient les soins de leur empire. Telles étaient les rumeurs que l’odieuse déesse semait de bouche en bouche.

À l’instant, elle dirige son vol vers le palais d’Iarbas, et, par ses discours, enflamme son cœur irrité. Fils de Jupiter Ammon, et d’une nymphe enlevée au pays des Garamantes, Iarbas avait consacré à son père cent temples immenses et cent autels dans ses vastes États. Là, le feu sacré brûlait sans jamais s’éteindre ; là, le sol s’engraissait du sang des victimes, et les portiques étaient ornés de guirlandes de fleurs. Hors de lui, indigné d’un