Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/354

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Mnesthée, Sergeste et le valeureux Cloanthe : « Que la flotte, dit-il, soit équipée en secret, que les Troyens, rassemblés au rivage, s’arment en silence, et que la cause de ce mouvement imprévu reste ignorée. » Lui, cependant, tandis que la généreuse Didon ignore son dessein, et ne s’attend pas à voir rompre de tels nœuds, il tentera de l’aborder, cherchera, pour lui parler, le moment le plus favorable et le moyen le plus adroit. Tous, avec joie, obéissent à ses ordres, et se hâtent de les exécuter.

Mais la reine (qui pourrait tromper une amante ?) a pressenti la ruse et surpris la première les mouvements qui se préparent, disposée qu’elle est à tout craindre. C’est encore l’impitoyable Renommée qui apprend à Didon éperdue et l’armement de la flotte, et les apprêts du départ. Égarée, en proie aux fureurs de Vénus, elle court dans toute la ville. Telle au retour des orgies triennales, une Bacchante, émue à l’aspect des symboles sacrés, et, ivre du dieu qui l’agite, erre sur le Cythéron, qui l’appelle par ses nocturnes clameurs.

Enfin elle l’aborde la première, et lui parle en ces termes : « As-tu donc espéré, perfide, pouvoir me cacher un tel forfait, et quitter, sans rien dire, mon royaume ? Quoi ! ni notre amour, ni cette main que nous nous sommes mutuellement donnée, ni Didon prête à mourir d’un trépas cruel, n’ont pu te retenir ! Que