Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/353

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magnifique, oubliant les destinées promises et l’empire qui t’est réservé ! C’est le roi des dieux lui-même, moteur souverain des cieux et de la terre, qui, du brillant Olympe, m’envoie vers toi ; c’est lui qui m’a ordonné de fendre rapidement les airs, pour te porter ses ordres. Quels sont tes desseins ? et quel espoir t’enchaîne, oisif, au sol de la Libye ? Si la gloire d’un si grand avenir ne peut t’émouvoir, si tu fuis les travaux qu’exige le soin de ta propre renommée, vois Ascagne qui grandit, et ne laisse point échapper l’heureuse fortune promise à Iule, à qui sont dus le royaume de l’Italie et le sceptre de Rome. » Ainsi parla le dieu, et soudain, se dérobant aux yeux mortels, il disparut au loin comme une ombre légère.

Éperdu à cet aspect, Énée reste muet et interdit : ses cheveux se dressent d’horreur, et sa voix expire sur ses lèvres. Frappé de cet avis important et de l’ordre des dieux, il brûle de fuir, et d’abandonner ces douces contrées. Mais, hélas ! que faire ? En quels termes osera-t-il aborder la reine éperdue ? Que lui dire ? et par où commencer ? Son esprit, vivement agité de pensées contraires, se partage et s’égare en cent projets divers, sans pouvoir se fixer sur aucun : après avoir longtemps hésité, il se résout à prendre le parti qu’il croit le meilleur : il appelle