Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/359

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fuit le jour qui l’importune, et se dérobe aux yeux d’Énée, au moment où, tremblant et irrésolu, il s’apprêtait à répondre longuement. Les femmes de la reine la soutiennent et l’emportent défaillante sous ses riches lambris, et la déposent sur sa couche.

Cependant Énée voudrait calmer sa douleur, et consoler ses ennuis. Il gémit, et son âme est ébranlée par un très-vif amour ; mais il veut exécuter les ordres des dieux, et va rejoindre sa flotte. Alors les Troyens pressent avec plus d’ardeur les travaux : ils traînent à la mer les vaisseaux laissés à sec sur le rivage, et la carène, enduite de bitume, flotte sur les ondes. On apporte, des forêts voisines, des rames garnies encore de leurs feuillages et des mâts non façonnés : tant est grande l’ardeur du départ ! On voit, de tous les côtés de la ville, les Troyens accourir au port. Ainsi, quand prévoyant l’hiver, les fourmis ravagent un grand amas de blé, et le portent sous leur toit, le noir bataillon traverse la plaine, et, par un sentier étroit sous l’herbe, voiture son butin : les unes, le dos chargé d’un énorme grain, s’avancent avec effort ; les autres surveillent l’arrière-garde et gourmandent les retardataires : tout, dans l’étroit sentier, s’agite et se meut avec ardeur.

Quels furent alors tes pensers, ô Didon ? quels tes gémissements, quand, du haut de ton palais, tu voyais, au loin, le rivage