Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/360

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s’agiter, et que, devant toi, toute la mer retentit de confuses clameurs ? Cruel amour ! À quoi ne forces-tu pas le cœur des mortels ! Elle est donc réduite à recourir encore aux larmes, à tenter encore la prière ! L’amour rend sa fierté suppliante : elle ne veut pas mourir sans avoir tout épuisé.

« Anna, dit-elle, tu vois que tout s’empresse sur le rivage : ils sont accourus de toutes parts. Déjà la voile appelle les vents, et les matelots joyeux ont couronné les poupes. Si j’ai pu attendre cette grande douleur pour récompense, ô ma sœur ! je pourrai la supporter. Cependant, rends encore un dernier office à l’infortunée Didon. Pour toi seule le perfide avait des égards : même il te confiait ses plus secrètes pensées ; seule tu savais choisir le moment favorable pour obtenir de lui un doux accueil. Va, ma sœur ; cours, aborde en suppliante ce superbe ennemi. Dis-lui que je n’ai pas, dans l’Aulide, juré avec les Grecs la ruine des Troyens ; que je n’ai pas envoyé mes vaisseaux contre Pergame : dis-lui que je n’ai point dispersé les cendres ni outragé les mânes d’Anchise, son père. Pourquoi donc, si cruel envers moi, ferme-t-il l’oreille à mes paroles ? où court-il ? Que du moins il accorde à sa malheureuse amante une faveur dernière ! qu’il attende une fuite plus facile et des vents plus favorables ! L’hymen qu’il a