Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/365

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la clarté de la lune. Elle y joint cette tumeur arrachée du front d’un coursier naissant, et soustraite à l’avidité de la cavale. Didon elle-même, à côté des autels, un pied nu, la robe dénouée, tenant dans ses pieuses mains la farine sacrée, atteste, avant de mourir, les dieux et les astres témoins de sa destinée ; et, s’il est quelque divinité qui s’intéresse aux amants trahis, elle implore sa justice et sa vengeance.

Il était nuit, et les mortels fatigués goûtaient un doux sommeil : les bois et les mers orageuses faisaient silence, et les astres, au milieu de leur cours, roulaient sans bruit. C’était l’heure où tout se tait dans les champs, où les troupeaux, les oiseaux aux mille couleurs, et ceux qui habitent les lacs limpides et ceux qui s’abritent sous les buissons, oubliaient, dans l’ombre et le silence, sous le charme d’un doux sommeil, leurs peines et leurs fatigues. Mais plus de repos pour l’infortunée Didon ; pour elle plus de sommeil ; ni ses yeux, ni son cœur ne peuvent goûter le calme de la nuit. Ses maux redoublent, son amour se réveille furieux, et son âme flotte, en proie aux orages de la colère. C’est ainsi qu’elle s’attache de plus en plus à son projet, et telles sont les pensées qu’elle roule dans son cœur : « Eh bien ! que faire ? irai-je courir après un tel affront, m’exposer aux mépris de mes anciens prétendants ? irai-je, suppliante, implorer