Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/366

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l’hymen de ces rois nomades que j’ai tant de fois dédaignés pour époux ? ou bien suivrai-je les vaisseaux d’Ilion, pour subir honteusement la loi des Troyens ? Sans doute, j’ai à me féliciter de les avoir secourus naguère, et le souvenir de mes bienfaits s’est longtemps conservé dans leurs cœurs reconnaissants ! Les suivre ! mais quand je pourrais le vouloir, qui me le permettrait ? qui recevrait dans ses vaisseaux superbes une femme odieuse ? Malheureuse ! eh ! ne connais-tu pas les parjures accoutumés de la race de Laomédon ? Que ferais-je d’ailleurs ? Irais-je seule, et fugitive, accompagner des matelots triomphants ? Et pourquoi ne pas les poursuivre moi-même avec tous mes vaisseaux, avec tous mes guerriers ?… Mais ceux qu’il me fallut, par tant d’efforts, arracher de la ville de Tyr, oserai-je les entraîner encore sur les mers, et leur ordonnerai-je de livrer les voiles aux vents ? Ah ! plutôt, meurs, comme tu l’as mérité, et que le fer termine tes douleurs ! C’est toi, ma sœur, qui, vaincue par mes larmes, et trop complaisante pour mon fol amour, c’est toi qui as été la première cause des maux qui m’accablent, et qui m’as livrée à mon ennemi. Que n’ai-je pu, comme les hôtes des forêts, mener une vie exempte d’hymen, et ignorer de pareils tourments ! Hélas ! elle ne fut point gardée, la foi promise aux mânes de Sychée ! »

Telles étaient les plaintes que laissait éclater sa douleur. Cependant Énée, résolu à partir, après avoir tout disposé pour se