Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/368

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sant, qui que tu sois ! nous sommes heureux d’obéir encore à tes ordres. Oh ! sois-nous propice, et fais briller au ciel des astres favorables. » Il dit, arrache du fourreau son glaive foudroyant, et frappe avec le fer le câble qui retient son navire. La même ardeur anime les Troyens : tout s’ébranle et se précipite. Soudain ils s’éloignent du rivage ; la mer disparaît sous leur flotte : ils battent de toutes leurs forces les flots écumants, et fendent l’onde azurée.

Déjà, quittant la couche dorée de Tithon, l’Aurore versait sur la terre ses premières clartés, quand la reine, du haut de son palais, voyant blanchir l’aube du jour, et la flotte s’éloigner sous des vents propices, reconnut que le rivage était désert et le port sans rameurs. Trois et quatre fois, de sa main, elle meurtrit son beau sein, et arrache ses blonds cheveux : « Ô Jupiter ! s’écrie-t-elle, il fuira donc ! cet étranger se sera joué de nous et de notre empire ! Et l’on ne courra point aux armes ! et les vaisseaux ne s’élanceront pas du port ! et Carthage tout entière ne se met pas à sa poursuite ! Allez, volez, la flamme à la main ! tendez les voiles, et fatiguez les rames !… Que dis-je ? où suis-je ? et quel transport m’égare ! Malheureuse Didon ! sa perfidie te touche enfin : c’est quand tu lui donnais ton sceptre, qu’elle eût dû te toucher ! Voilà donc cette foi si vantée ! voilà celui qui