Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/367

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mettre en route, dormait sur la poupe élevée de son navire. L’image du dieu qui déjà s’était montrée à ses regards lui apparaît en songe, sous les mêmes traits, et lui renouvelle le même avis. Semblable en tout à Mercure, cette image a sa voix, son teint, sa blonde chevelure et son corps brillant de jeunesse : « Fils d’une déesse, peux-tu, en pareille circonstance, te livrer au sommeil ? Ne vois-tu pas quels dangers t’environnent ? Insensé ! tu n’entends pas le souffle heureux du Zéphyr ? Décidée à mourir, cette femme médite des artifices et de cruels forfaits, et flotte en proie aux transports d’une bouillante colère. Et tu ne hâtes pas ta fuite, quand tu peux fuir encore ! Bientôt tu verras la mer sillonnée par des vaisseaux ennemis, les torches menaçantes luire de tous côtés, et les flammes couvrir tout le rivage, si, demain, l’Aurore te retrouve attardé sur ces bords. Pars donc, sans différer : toujours la femme est un être variable et changeant. » Le dieu dit, et se mêle aux vapeurs de la nuit.

Effrayé de cette vision soudaine, Énée s’arrache au sommeil, et presse ses compagnons : « Éveillez-vous, hâtez-vous, guerriers ! Vite, saisissez les rames et déployez les voiles : un dieu, envoyé du haut de l’éther, vient, de nouveau, presser notre fuite, et nous ordonne de couper les câbles. Nous te suivons, dieu puis-