Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/376

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rames ; il présente obliquement la voile à l’Aquilon, et parle ainsi :

« Magnanime Énée, non, quand j’aurais la promesse de Jupiter lui-même, je n’espérerais point aborder en Italie par ce ciel orageux. Les vents ont changé ; ils s’élancent de l’Occident ténébreux, et prennent en travers nos vaisseaux : l’air épaissi n’est bientôt plus qu’un nuage. Nous ne pouvons lutter contre la violence de l’orage, et nos efforts sont impuissants contre l’Aquilon. Puisque la Fortune l’emporte, cédons, et suivons la route où elle nous appelle. Si les astres que j’ai observés avant la tempête ont été bien reconnus par moi, nous ne sommes pas loin des ports de Sicile et des rives amies de votre frère Éryx. »

« Je vois, dit le pieux Énée, que les vents nous portent vers la Sicile, et que tu luttes en vain contre eux. Livre-leur donc tes voiles. Puis-je désirer, pour recueillir mes vaisseaux fatigués, un pays plus ami et plus cher que la terre où je vais retrouver Aceste, issu de Dardanus, et qui renferme dans son sein les ossements de mon père Anchise ? »

Il dit ; on cingle vers les ports de Sicile, et les Zéphyrs favorables enflent les voiles : la flotte est emportée, rapide, sur les ondes ; et les Troyens touchent enfin avec joie à ce rivage qui leur est connu.

Cependant, du sommet d’une montagne, Aceste surpris voit