Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/377

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de loin arriver des vaisseaux amis ; il accourt pour les recevoir, armé de ses javelots, et couvert de la peau d’une ourse de Libye. Ce prince, issu d’une mère troyenne et du fleuve Crinise, n’avait point oublié son antique origine. Il se réjouit du retour des Troyens ; il leur offre ses richesses champêtres, et ses secours amis les consolent de leurs fatigues.

Le lendemain, dès que les étoiles ont fui devant les premiers feux du jour, Énée rassemble ses compagnons épars sur le rivage, et, du haut d’un tertre, il leur parle ainsi : « Dignes enfants de Dardanus, issus du noble sang des Dieux, l’année a parcouru le cercle de ses mois, depuis que nous avons confié à la terre les cendres et les os de mon divin père, et que nous lui avons consacré de funèbres autels. Déjà même, si je ne me trompe, voici ce jour toujours funeste et toujours honoré (Dieux, ainsi vous l’avez voulu). Ah ! fussé-je exilé, errant dans les sables de Gétulie, ou surpris sur les mers d’Argos, ou captif dans Mycènes, ce jour me verrait acquitter mes vœux, renouveler, selon nos usages, les pompes funéraires, et charger les autels de mes offrandes. Et maintenant, ce n’est pas, je le pense, sans la volonté, sans la faveur des Dieux, que nous sommes devant les cendres et les restes de mon père, et que nous avons été poussés par les vents