Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/379

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de vin pur, deux autres de lait nouveau, et deux de sang consacré ; puis, semant des fleurs dont l’éclat ressemble à celui de la pourpre, il s’exprime ainsi : « Salut, ô mon père ! salut encore une fois, cendres révérées, âme et ombre paternelles ! C’est donc vainement que je vous retrouve : il ne m’est pas permis de chercher avec vous ces rivages d’Italie, ces champs promis par les destins, et ce Tibre, quel qu’il soit, qui coule dans l’Ausonie ! »

Il avait dit ; et du fond de l’asile consacré sort un énorme serpent, dont le corps déroule sept immenses anneaux, sept replis tortueux ; il embrasse mollement la tombe, et se glisse autour des autels. Son dos est émaillé d’azur, et ses écailles tachetées étincellent de tout l’éclat de l’or : tel, dans la nue, l’arc céleste brille aux rayons du soleil opposé, et se nuance de mille couleurs. À cet aspect, Énée demeure interdit. Le serpent, avec ses longs replis, circule entre les vases et les coupes, effleure les mets sacrés, et, abandonnant les autels et leurs offrandes dont il a goûté les prémices, il rentre, sans faire de mal, au fond du tombeau.

Excité par ce prodige, Énée redouble les honneurs qu’il rend à son père ; car il ne sait s’il vient de voir le Génie tutélaire de ce lieu, ou le gardien de la tombe paternelle. Il immole, selon l’usage, cinq brebis âgées de deux ans, cinq jeunes porcs, et un pareil nombre de taureaux noirs : il saisit la patère, épanche le