Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/397

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pressés, chasse d’un bras Darès, et de l’autre le fait tourner.

Alors Énée ne peut souffrir qu’emporté plus longtemps par la colère, Entelle se livre à une vengeance cruelle ; il fait cesser le combat, arrache des mains de son rival Darès épuisé de fatigue, et par ces mots console sa disgrâce : « Malheureux ! quel aveuglement s’est emparé de ton esprit ? ne sens-tu pas ici des forces plus qu’humaines et la présence de divinités contraires ? Cède à un dieu ! » Il dit, et sa voix sépare les combattants. De fidèles amis conduisent vers les vaisseaux Darès qui se traîne péniblement sur ses genoux, laisse pencher sa tête sur l’une et l’autre épaule, et vomit des flots d’un sang noir, où se mêlent les débris de ses dents. Ses compagnons sont rappelés : ils reçoivent des mains du fils d’Anchise le casque et l’epée, et abandonnent à Entelle la palme et le taureau. Alors Entelle, enorgueilli de sa victoire et fier du taureau qui en est le prix : « Fils de Vénus, et vous Troyens, dit-il, connaissez quelle fut ma force dans ma jeunesse, et de quelle mort vous venez de sauver Darès ! » Il dit, se dresse en face du taureau, prix de sa victoire, élève et ramène en arrière son bras armé du ceste formidable, frappe entre les deux cornes, fait rejaillir du front brisé la cervelle sanglante : tremblant, ren-