Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/405

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nulle cité ne portera-t-elle plus le nom de Troie ? ne verrai-je plus nulle part les fleuves d’Hector, le Xanthe, le Simoïs ! Ah ! plutôt, courez brûler avec moi ces funestes vaisseaux ! car, cette nuit, dans un songe, m’est apparue Cassandre, prêtresse inspirée, qui armait mon bras de torches ardentes : « Ici, m’a-t-elle dit, cherchez Troie ; ici est votre demeure. » Le moment d’agir est venu : n’hésitez point après un si grand prodige. Voilà quatre autels de Neptune : le dieu lui-même nous donne les torches ardentes et le courage. »

Elle dit, et, la première, saisit un funeste brandon, l’élève en l’air, en agite la flamme et le lance. Les Troyennes interdites la regardent avec stupéfaction. Alors la plus âgée d’entre elles, Pyrgo, jadis nourrice de tant de fils de Priam : « Non, Troyennes, dit-elle, ce n’est point Béroé que vous voyez, Béroé du cap Rhétée et femme de Doryclus ! Remarquez cet éclat divin, ces yeux étincelants ! Quelle noble fierté ! quels traits ! quel son de voix ! quelle démarche ! Sachez que moi-même tantôt j’ai laissé Béroé malade, s’affligeant d’être la seule qui ne pût rendre aux mânes d’Anchise les honneurs mérités. » Elle dit, et, d’abord inquiètes, irrésolues, les Troyennes jettent sur les vaisseaux des regards sinistres. Elles hésitent entre ce pays qu’elles aiment trop et