Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/422

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enveloppe la vérité de ténèbres : ainsi le dieu excite et dirige ses transports et retourne l’aiguillon dans son cœur.

Dès que sa fureur a cessé, et que sa bouche écumante s’est refermée : « Vierge sacrée, dit Énée, il n’est point de dangers dont l’aspect me soit nouveau et inattendu. J’ai tout prévu, j’ai tout pesé d’avance dans mon esprit. Je te fais une seule prière : puisque c’est ici, dit-on, l’entrée des enfers, et le ténébreux marais formé par les eaux débordées de l’Achéron, qu’il me soit permis de descendre aux sombres bords pour voir encore mon père chéri : enseigne-moi le chemin et ouvre-moi les portes sacrées. C’est lui que j’emportai sur mes épaules, à travers les flammes, au milieu de mille traits redoutables, et que je sauvai de la fureur des ennemis ; lui qui, compagnon de mes longs voyages, a traversé avec moi toutes les mers, et, malgré sa faiblesse, a supporté, avec une constance au-dessus des forces de la vieillesse, toutes les menaces du ciel et des flots en courroux. C’est encore lui qui, joignant l’ordre à la prière, m’a fait chercher ta demeure sacrée pour implorer ton secours. Prêtresse auguste, prends pitié du fils et du père, car tu peux tout, et ce n’est pas en vain qu’Hécate t’a confié la garde des bois sacrés de l’Averne. Si, par les sons mélodieux de la lyre de Thrace, Orphée a pu ramener vers la lumière l’ombre de son épouse ; si Pollux a racheté la mort de son frère