Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/433

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naguère, voguant sur la mer de Libye, et tandis qu’il observait les astres, était tombé de sa poupe, et avait péri dans les flots. À peine Énée a-t-il reconnu, à travers les ténèbres, cette ombre désolée, le premier, il lui adresse la parole en ces mots : « Cher Palinure, quel dieu, t’enlevant à nous, t’a plongé dans le sein des ondes ? parle, réponds, car Apollon, dont pour moi l’oracle ne fut jamais trompeur, m’a abusé cette fois en m’annonçant que tu échapperais aux dangers de la mer, et que tu aborderais aux rives de l’Ausonie : et voilà comme il tient sa promesse ! — Fils d’Anchise, chef des Troyens, répond Palinure, non, le trépied d’Apollon ne t’a point trompé. Un dieu ne m’a point précipité dans les ondes. Tandis que je dirigeais votre course, un choc violent me précipita dans les flots, et j’entraînai avec moi le gouvernail, dont la garde m’était confiée, et que ma main pressait avec force. Alors, je le jure par ces mers terribles, je fus moins alarmé pour moi que pour votre navire. Je craignis que désarmé, privé de son pilote, il ne pût résister à la fureur des vagues.

« Pendant trois nuits orageuses, le violent Notus, soulevant les eaux, me porta sur les mers immenses. Le quatrième jour, j’aperçus enfin l’Italie du haut des vagues. Je nageais lentement vers la terre : déjà le danger avait disparu, et, malgré le poids de mes vêtements trempés, déjà mes mains saisis-