Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/474

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l’Inachus : du haut de l’éther, au-dessus du promontoire de Pachynum, elle découvre de loin Énée et sa flotte dans la joie du repos. Elle voit les Troyens, descendus de leurs navires, se confier à cette terre, et y élever des remparts. Elle s’arrête, saisie d’une âpre douleur, et, secouant la tête, exhale en ces mots sa colère : « Ô race odieuse ! ô destins des Phrygiens contraires à nos destins ! Ils n’ont donc pu périr dans les plaines de Sigée ! captifs, ils n’ont pu être en captivité ! À travers les phalanges des Grecs, à travers les flammes, ils ont trouvé un chemin ! Ah ! sans doute ma puissance épuisée est à bout, et ma haine assouvie s’est calmée ! Mais non. Après les avoir chassés de leur patrie, toujours excitée à leur ruine, j’ai osé les poursuivre sur les ondes, et j’ai arrêté ces fugitifs sur toutes les mers. J’ai épuisé contre eux toutes les forces du ciel et des flots. Et de quoi m’ont servi les Syrtes et Scylla, et la vaste Charybde ? Les voilà sur les bords du Tibre tant souhaité par eux, à l’abri de la mer et de mon courroux ! Quoi ! Mars a pu détruire la race cruelle des Lapithes, et le père des dieux a livré l’antique Calydon aux fureurs de Diane ! mais quels si grands crimes avaient donc à expier les Lapithes et Calydon ? Et moi, l’auguste épouse de Jupiter ; moi qui ai tenté tous les moyens de la haine et qui ai su tout oser,